Hypnose classique ou ericksonienne
Qu'est-ce que l'hypnose éricksonienne ?
L'hypnose existe depuis la nuit des temps. Il y a plus de 6000 ans en Mésopotamie, un manuscrit témoigne déjà de guérisons extraordinaires obtenues dans des états de conscience différents. Et même si l'on n'appelle pas toujours « hypnose » ces états particuliers, on les retrouve sous toutes les latitudes et à toutes les époques, sous une forme ou une autre (chamans, sorciers, magnétiseurs, etc.)
Or Milton Erickson affirme que : « Seule l'hypnose peut donner un accès aisé, rapide et large à l'inconscient, inconscient que l'histoire de la psychothérapie a montré être d'une telle importance dans le traitement des désordres aigus de la personnalité. »
Mais quelle hypnose ?
Freud lui-même s'y est adonné et lui rend un hommage appuyé en attribuant au Dr Breuer « le mérite d'avoir mis au monde la psychanalyse » en guérissant le symptôme hystérique d'une de ses patiente au cours d'une séance d'hypnose ! Il l'a reniée par la suite, la trouvant trop aléatoire et compliquée, lui préférant ce qu'il appellera « la cure par la parole ». On pourrait polémiquer sur le thème. Là n'est pas mon propos.
Ce que l'on peut expliquer en tous cas, c'est que « le côté aléatoire et compliqué » de l'hypnose venait du fait qu'à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, cette pratique était encore plus empirique qu'aujourd'hui. On ignorait notamment que l'hypnose est un état naturel, que tout le monde l'expérimente plusieurs fois dans la journée, quand on est dans la lune par ex., et que de ce fait, tout le monde est hypnotisable - au moins un peu.
Il se trouve qu'autrefois, on appelait hypnose ce qu'aujourd'hui on nomme « transe profonde ». Il s'agit de cet état que l'on peut observer dans les salles de spectacles ou dans les foires où des hypnotiseurs au regard fixe, s'emploient à suggérer au malheureux cobaye soigneusement choisi dans l'assistance pour les signes qu'il donne d'être accessible à la technique, d'oublier son nom, de se transformer en planche de bois ou de se mettre à aboyer devant une salle médusée.
Cet état existe effectivement mais ne concerne qu'une personne sur quatre, nul n'a encore compris pourquoi. D'où le côté «aléatoire et compliqué» de cette hypnose là – Freud aurait même pu dire « impossible », en tous cas pour les trois personnes restantes. Peu de recherches scientifiques étant menées sur le sujet, on ignore encore aujourd'hui pourquoi certains sont plus suggestibles que d'autres.
Quand une personne est en transe profonde, son esprit conscient est pour ainsi dire au repos. Or c'est ce dernier qui gère un certain nombre de nos facultés notamment le langage. L'inconscient lui, « parle » comme un enfant de cinq-six ans. Autant dire que la personne hypnotisée profondément ne va comprendre que les mot forts et simples, les ordres par exemple, « dormez ! ». D'où le style péremptoire de l'hypnotiseur classique.
Des psychiatres comme Bernheim ou Charcot utilisaient cette même technique à l'hôpital de la Pitié Salpêtrière par exemple, et réalisaient de petits miracles sur certaines pathologies comme l'hystérie. Les malades qui en souffraient, essentiellement des femmes, se révélaient très prompts à tomber en transe profonde. Cependant, et du fait même qu'elle restait purement suggestive et autoritaire, cette technique a montré ses limites.
En effet, mis à part le fait que les trois-quart de la population en sont exclus, l'hypnose autoritaire favorise ce que Freud a appelé la « substitution de symptôme ». En effet, supprimer un symptôme de manière autoritaire, sans se préoccuper d'en rechercher et d'en « nettoyer » la cause, ne peut qu'amener le patient à trouver instinctivement (inconsciemment) un autre symptôme, une autre manière de faire, susceptible de gérer cette cause.
Depuis Freud, on sait que le symptôme, le trouble pour lequel la personne vient consulter, manifeste l'existence d'un conflit. Si le thérapeute supprime le symptôme sans résoudre le conflit, il n'a fait que déplacer le problème.
Pour donner un exemple simple : imaginons qu'une personne vienne consulter parce qu'elle se ronge les ongles et que le praticien a de la chance et parvient à la mettre en transe profonde. Il ne peut que lui interdire tout net de se ronger les ongles sans se préoccuper de ses raisons éventuelles de le faire – elle est probablement stressée voire angoissée. Quand elle va rentrer chez elle, elle ne peut plus se ronger les ongles, mais elle est toujours stressée ou angoissée. Elle peut alors se mettre à fumer ou à picoler, deux « bonnes » manières de gérer le stress.
Une nouvelle manière de pratiquer l'hypnose
Erickson n'était pas un théoricien. Il n'a d'ailleurs pas écrit de livres sur l'hypnose, plutôt des articles scientifiques à l'attention de ses pairs ou de ses élèves. Ces derniers se sont employés à raconter comment il travaillait et certains en ont tiré un modèle, appelé par la suite, Nouvelle Hypnose ou hypnose ericksonienne.
De cette pratique, il ressort des points forts. Notamment le centrage sur la personne, la synchronisation sur son rythme, et la nécessité absolue d'entrer dans son monde, dans son cadre de références, sa vision de la vie ; ce qui implique évidemment un respect total de ses croyances. Et surtout, la permissivité. Permissivité dans la manière de vivre l'expérience hypnotique elle-même : « Vous pouvez vous sentir lourd... ou léger », et aussi dans la manière de changer, de trouver ses propres solutions.
L'hypnose ericksonienne n'est absolument pas autoritaire, non seulement le thérapeute explique ce qu'il fait, mais il a besoin de l'approbation pleine et entière du patient pour le faire. Elle est pourtant globalement instinctive. Milton Erickson avait coutume de dire aux étudiants désireux de suivre son chemin : "Faites confiance à votre inconscient !"
L'hypnose et la PNL (Programmation Neurolinguistique) : une seule et même pratique
Deux des élèves d'Erickson, un mathématicien et un linguiste, John Grinder et Richard Bandler, fascinés par les résultats et la manière de faire du maître, ont entrepris de le modéliser (1) pour rendre son approche plus assimilable. Ils en ont tiré un modèle nommé Programmation Neurolinguistique, PNL en abrégé.
Développée à la fin des années 70, cette technique se base sur les représentations que se fait notre cerveau du monde qui nous entoure en vue de modifier les émotions liées à des événements précis.
Les découvertes de la PNL sont donc complémentaires de la pratique de l'Hypnose Ericksonienne. Cette approche de la Programmation Neurolinguistique a considérablement élargi le champ d'application de l'Hypnose Ericksonienne, en lui permettant de s'étendre à des domaines non médicaux et en rendant ses résultats plus prédictibles.
« Il est encore plus intéressant de combiner la PNL et l'Hypnose (...) En PNL, je décris très précisément à mon client ce que je veux qu'il fasse lorsqu'il appliquera ma suggestion. C'est la seule différence importante existant entre notre approche et ce que les hypnotiseurs font depuis des siècles. Cette différence est cependant de taille puisque notre approche permet de prévoir les résultats exacts de nos interventions et d'éliminer les effets secondaires" - Bandler et Grinder (Frogs into Princes, 1979)
Aux Etats-Unis, l'Hypnose éricksonienne et la PNL sont toujours étroitement mêlées. En France, certains praticiens continuent curieusement à pratiquer l'une sans l'autre. Ce n'est pas mon cas.
- (1)
- Ainsi que deux autres thérapeutes révolutionnaires hors du commun, Virginia Satir qui inventa la thérapie familiale et Fritz Perls, la gestalt.
Les inductions
Il existe d'innombrables manières d'induire une transe hypnotique, c'est-à-dire de faire entrer la personne en état d'hypnose : la surprise, la répétition de rythmes saccadés, la fixation d'un point fixe ou mobile, étaient les préférées des hypnotiseurs classiques. Aujourd'hui, grâce à Erickson, les méthodes se sont diversifiées et sont caractérisées par une totale liberté d'imagination, au point que tout et n'importe quoi est susceptible de provoquer la dissociation ; de l'ennui (il n'est qu'à observer l'état dans lequel certains professeurs plongent leurs élèves...) à la confusion, en passant par l’hypnose conversationnelle qui se pratique sans induction formelle, par un simple changement de ton et/ou de rythme de la voix et l'utilisation de certains mots d'une certaine manière, permettant au thérapeute d'éviter toute tentative de résistance de la part du patient.
Milton Erickson
un thérapeute hors du commun
Né en 1901 dans le Nevada, il était atteint de plusieurs handicaps : dyslexique, insensible aux rythmes musicaux et daltonien notamment, ces difficultés lui apprennent à utiliser toutes ses ressources personnelles. A 17 ans, alors qu'il est frappé par la poliomyélite, il découvre l'auto suggestion, proche de l'auto hypnose. Presque entièrement paralysé - seuls ses yeux pouvaient encore remuer - il réapprend à marcher en observant sa petite sœur qui fait ses premiers pas. Un an plus tard, il traverse l'Amérique d'est en ouest en canoë, testant ainsi sa forme retrouvée. Il entreprendra ensuite ses études de médecine.
En 1928, il est médecin et exerce en psychiatrie comme assistant au Rhode Island State Hospital, puis devient chef du service de recherche au Worcester State Hospital dans le Massachussetts, de 1930 à 1934. Quelques années plus tard, il s'installe en Arizona avec sa famille et ouvre un cabinet privé. Touché à nouveau par la poliomyélite à l'âge de 51 ans, il en gardera des séquelles toute sa vie, mais continuera à pratiquer et à affiner sa technique, multipliant les séminaires, conférences et consultations. Après avoir suivi près de 30 000 patients, formé de nombreux élèves et démontré d'innombrables fois l'existence et les effets de l'hypnose, il s'éteint en mars 1980.
Erickson a marqué l'histoire de la psychothérapie et inspiré de nombreuses pratiques qui continuent aujourd'hui encore à se développer. Considéré comme le père de la thérapie brève et de la communication moderne, il a réussi à redonner à l'hypnose ses lettres de noblesse.
Thérapie brève et ericksonienne
Le courant des thérapies brèves a pris naissance aux États-Unis dans les années soixante. Comme son nom l’indique, cette approche vise à soulager en peu de temps et d'une manière efficace la plupart des problèmes psychologiques. Elle puise parmi des sources anciennes, comme la rhétorique grecque de la persuasion, ou l'art chinois du stratagème et d’autres plus récentes comme l’hypnose telle que la pratiquait Milton Erickson.
Ces fondements reposent sur l’idée que le patient se construit sa propre réalité au travers du filtre des croyances et convictions intimes que chacun entretien sur lui-même et sur le monde. Dit autrement, cette approche thérapeutique considère que nos soucis, nos angoisses et beaucoup de nos souffrances proviennent plus de notre façon de vivre et de ressentir les événements que des événements eux-mêmes.
Un autre point fondamental est que le changement ne repose pas seulement sur la connaissance "du pourquoi" le problème existe, mais sur "le comment" il subsiste. L'accès à la connaissance des causes d'un trouble n'est pas une condition indispensable à son soulagement. Même si elle est parfaitement possible et largement souhaitable.
La thérapie vise non seulement à retraiter la cause du comportement inapproprié, mais à repérer les réactions inadaptées, à les dépasser et à les remplacer par d'autres. La personne se défait de cet édifice pathologique, répétitif et fermé, pour ouvrir des possibilités nouvelles.
Le patient va chercher en lui les ressources pour résoudre ses problèmes et aller de l'avant, le thérapeute est une sorte de passeur, il l'aide à trouver et à développer ces ressources. Pas de magie là-dedans, l'hypnose ne créé rien qui n'existe déjà.
D'ailleurs le thérapeute ericksonien n'est pas celui « qui sait » mais celui qui répond à la demande, il garde le plus possible une position basse, entretenant avec la personne qui consulte une relation "collaborative".
Avec elle, il analyse le problème à résoudre, l'aide à trouver la démarche la plus appropriée, met en place un plan précis - meilleure compréhension de soi, définir ou redéfinir ses objectifs, trouver les freins éventuels, identifier les bénéfices secondaires, planifier les étapes et les ressources éventuellement nécessaires à la résolution du problème.